Prince Igor

Le jeune et beau Prince Igor vivait seul en Sibérie dans un immense et magnifique château. Son visage triste et son regard lointain n’étaient que l’expression d’une grande solitude, il n’avait pu à ce jour trouver l’âme sœur qui partagerait sa vie jusqu’à la fin de ses jours.
Ses propriétés s’étendaient à plus de cent lieux autour de sa demeure. Il parcourait fréquemment son vaste territoire pour en assurer la gestion et la prospérité. Il voyageait régulièrement au delà de ses propres frontières pour découvrir et apprendre les mœurs et usages des autres peuples. Dans toutes les villes et villages visités, les jeunes et les anciens se pressaient pour le voir et l’approcher, tant sa gentillesse, sa générosité et son intelligence étaient appréciées.
Jeunes femmes et courtisanes se bousculaient pour demander une audience privée et essayer de le séduire. Ni l’étincelle d’un regard, ni l’émotion d’un visage, ni la noblesse d’une allure, ni la chaleur d’une voix, ni la teneur d’un propos ne l’avaient jusqu’à présent touché au plus profond de lui.
Toutes les femmes qu’il rencontrait étaient à ses yeux sans saveur, sans relief, sans intelligence de cœur. Il ne pouvait tomber amoureux et se désespérait car son royaume attendait avec impatience l’arrivée d’une belle princesse, bien faite de corps et d’esprit, vivante et rayonnante pour seconder le prince. Une jeune et noble dame qui donnerait au Prince des enfants et rendrait au royaume l’espoir de prospérer grâce à l’ardeur et l’intelligence que sesdescendants mettraient dans l’accomplissement de leurs tâches.
Prince Igor décida de se rendre à Saint Petersburg.
Curieux d’art et d’architecture il voulait découvrir cette grande ville faite de légendes et de mystères. En arrivant il rendit visite au bourgmestre de la ville pour lui faire ses civilités, comme le voulaient les usages de l’époque.

Quelques jours après l’arrivée d’Igor et après qu’il eut parcouru les sites incontournables de la ville, le bourgmestre organisa une fête en son honneur, car sa renommée avait largement dépassé les frontières des royaumes de Sibérie. Ayant eu vent de la profonde tristesse dans laquelle le Prince se trouvait, le bourgmestre voulut le distraire par des festivités riches en couleurs.
Toutes les belles dames de la ville et des alentours accompagnées de leurs maris, de leurs galants, ou d’un de leurs parents pour les plus jeunes ou célibataires furent invitées.
Un repas aussi gargantuesque que délicieux fut donné et suivi d’un bal des plus réussis. Un orchestre de trente musiciens composé de vielles, de tambourins, de flutes, de hautbois, de harpes, de cors, de trompettes entraîna ce petit monde dans un tourbillon de quadrilles, de menuets et de rigodons enjoués.
Prince Igor goûta aux nombreux mets parfumés composés de gibiers locaux et de poissons de mer du nord. Il apprécia les vins fins venus d’orient et du sud de l’Europe servis en son honneur. Les nobles convives assis à ses côtés se montrèrent particulièrement agréables et enjoués au point de le faire rire. C’est donc égayé qu’il se joignit à la joyeuse équipée qui dansait le rigodon. Au détour d’une passe célèbre de changement de cavalière il se trouva nez à nez avec une demoiselle d’une grande élégance et d’une beauté qui lui coupèrent le souffle.